VRP en papier peint, celui que ses collègues appellent l « ancêtre » fait relier ses échantillons dans de gros volumes à couverture de cuir. Ils racontent quatre décennies d intérieurs à la française, depuis les motifs bariolés du yéyé jusqu à la tyrannie du blanc. Mais sa vraie passion, c est la correspondance de Rimbaud, celle des pistes africaines, quand le poète était aussi voyageur de commerce. Il l emporte partout, dans les petits hôtels aux réceptionnistes parfois mal aimables, la feuillette au resto chinois ou à la pizzeria, y songe encore en traversant la place déserte d un patelin, cigarette aux lèvres. Et chaque fois qu un rendez-vous l amène du côté de Charleville, il va se recueillir sur la tombe de son compagnon de route. Une jeune femme fraîchement nommée à la tête de l équipe a pour mission de convaincre ce poète du papier peint de s adapter au nouveau concept global de l entreprise : amener les gens à acheter un canapé assorti au revêtement du mur. Mais lui refuse d en entendre parler. Quand il pense aux milliers d années qu il a fallu à l homme pour apprendre à se tenir debout, vendre des canapés lui semble une défaite.
La nouvelle responsable sait toutefois que les canapés ne sont qu un prétexte. L ancêtre est usé, ses méthodes sont caduques, à l image du cuir craquelé de ses reliures. Il indispose la direction qui veut se débarrasser de lui. Or aucun canapé ne l attend nulle part. Le priver de la route, des petits hôtels et des restos chinois ; l empêcher de contempler les stations-service et les aires de repos avec les yeux de Rimbaud, c est le réduire à néant.
Remarquable roman, qui dénonce certaines pratiques des entreprises, et qui y résiste!
Une histoire qui sonne juste. Et surtout un magnifique portrait de commis-voyageur.
Quelle réussite!
A lire du même auteur : « Retour aux mots sauvages ». Intéressant.
Tu quittes l’île déserte et tu es songeuse, la justesse du propos te ramène à ta propre vie, tu ne comprends que trop bien la réalité du monde d’un représentant de commerce et d’une directrice des ventes. Mais tu comprends aussi que la solution est dans la poésie…
Vous vous précipitez sur ce livre car il va vous faire du bien, vous le sentez déjà. Vous allez d’abord être un peu surpris par la forme qui, en fin de compte, va complètement vous emporter dans l’histoire.
« Mais pourquoi les autres lectrices n’ont-elles rien écrit sur ce bijou? », te demandes-tu.
je suis en retard de lecture
vous me mettez l’eau à la bouche
c’est le livre qui me revient donc je vais le déguster …plus tard
JeannineK
je sors de ce superbe récit je ne l’ai pas lâché
pourtant deux vies banales mais qui entraînent une remise en question
belle écriture : …le soir, entre chien et loup, le bitume semblait devenir plus épais, plus consistant, étalé en flocons irréguliers , accrochant les premiers phares allumés, presque vivant, un pelage de fauve dans le mauve du crépuscule
la dernière phrase du livre en jeux de mots, a décuplé mon plaisir
D’accord avec les commentaires précédents, c’est une réussite! J’ai commencé doucettement et j’ai fini les yeux rouges et enfiévrés à 3 heures du matin… Regard clinique, précision méthodique des détails, sens de l’observation et empathie (Télérama et l’Humanité). Et c’est aussi une réussite sur la forme: l’alternance des chapitres entre la Directrice des ventes et le commis-voyageur, l’alternance du vous et du tu qu’on savoure. Et Rimbaud en prime… C’est sûr, je me lance dans « Retour aux mots sauvages ».
Et bravo à Nathalie pour son commentaire « A la manière de »…
Et bravo à Nathalie pour son commentaire « A la manière de… »