Lambeau, subst. masc. 1. Morceau d’étoffe, de papier, de matière souple, déchiré ou arraché, détaché du tout ou y attenant en partie. 2. Par analogie : morceau de chair ou de peau arrachée volontairement ou accidentellement. Lambeau sanglant ; lambeaux de chair et de sang. Juan, désespéré, le mordit à la joue, déchira un lambeau de chair qui découvrait sa mâchoire (Borel, Champavert, 1833, p. 55). 3. Chirurgie : segment de parties molles conservées lors de l’amputation d’un membre pour recouvrir les parties osseuses et obtenir une cicatrice souple. Il ne restait plus après l’amputation qu’à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi qu’une épaulette à plat (Zola, Débâcle, 1892, p. 338). (Définitions extraites du Trésor de la Langue Française).
J’aime beaucoup la bibliothèque tournante des sœurs B. : j’y ai découvert des livres aimés, adorés, détestés, poétiques, puissants, légers, …. rares sont ceux que je n’ai pu lire (je n’en ai le souvenir que d’un).
Mais rien de ce que j’ai pu lire avant ne m’a préparé au choc du « Lambeau ».
Un roman, un essai, un témoignage, des confessions, une tranche de vie taillée dans le vif, une mise à nu, … ?
Souffrance, humilité, humanité couplées avec une précision chirurgicale de l’écriture pour décrire les situations et les sentiments.
Un témoignage puissant, les moments précis où tout bascule, les images, les bruits, les gestes. Ces descriptions sont reeriblement bien rendues. C’est ensuite que tout se construit, physiquement et mentalement. Un long chemin que Philippe lançon nous explique en détails. Une bataille pour la vie, sans haine mais une vie exclue pendant un très longtemps , une période de reconstruction interminable. Ce récit souligne la survie qui succède à ces quelques minutes tragiques. Impressionnant !
Il y a quatre ans a débuté une funeste série : la balade du grand macabre, ressurgi du Moyen-Age, s’attaquant à nos libertés. Et le 7 janvier 2015, il a commencé par la liberté d’expression.
Le journaliste Philippe Lançon est un survivant de la tuerie de Charlie Hebdo.
« Le Lambeau » est le récit bouleversant d’une reconstruction sans haine, rendue possible par une multitude d’intervenants.
C’est un hommage magistral à tous ces soignants, rivalisant de dévouement, d’empathie et de professionnalisme, dans des conditions souvent difficiles : les hôpitaux publics sont plus riches en compétences humaines qu’en financements.
Tous contribuent à la « prise de la greffe », depuis la femme de ménage africaine au sourire apaisant jusqu’au grand professeur de chirurgie maxillo-faciale.
Mention spéciale à Chloé, extraordinaire (ou extraterrestre ?) chirurgienne. Comme François Hollande, on aimerait faire plus ample connaissance.
Ce livre est aussi un hommage à la culture, à l’art, à la littérature. Philippe Lançon y a puisé sa résilience.
Il a pu supporter des souffrances inouïes grâce à ses proches, mais aussi parce qu’il s’est entouré de Proust, Bach, Kafka,…
On pourrait en débattre : dans quelle mesure la culture permet d’apaiser les souffrances ?
Et comment les patients dépourvus d’un tel bagage les appréhendent-ils ?
Cet ouvrage pourrait inspirer nos directeurs d’hôpitaux, pourquoi ne pas installer une bibliothèque dans chacun d’eux, en bonne place à côté de la pharmacie ?
« Le Lambeau » est un livre essentiel, par sa leçon de courage et de résilience, par son message humaniste et optimiste malgré un contexte lourd et douloureux.